L’histoire de ce projet commence avec ma grand-mère, il y a quelques années. Yvonne, 93 ans, habite seule dans sa grande maison de la campagne Yvelinoise. Elle est atteinte d’alzheimer. Elle oublie que je suis là, est surprise à chaque fois que j’entre dans la pièce, me confond avec ma mère. Elle s’est depuis longtemps retranchée dans son passé comme elle s’est retranchée dans cette maison de laquelle elle ne sort plus. Je suis venue la photographier et enregistrer ses histoires de vie entendues cent fois. Je cherche à faire le lien entre sa mémoire et son lieu de vie, musée de vie, mémoire familiale, inchangé depuis tant d’années.Mes enregistrements restent au placard pendant longtemps et c’est seulement après son décès, deux ans plus tard, que j’écoute... Alors que je cherche les faits dans le récit, mon attention est happée par ces bribes de phrases, états d’âme d’une vie, lachées entre deux anecdotes alors que son esprit déambule.C’est ainsi que le projet change de direction. Les réflexions de ma grand-mère me poussent à m’interroger tout d’abord sur cette fin.
Que reste-t-il d’une vie? Quel en est le bilan alors que les projets ne sont plus? Dans une culture où la mort ne fait pas partie de la vie, où la solitude semble en être l’antichambre, comment se prépare-t-on à mourir? Et puis ces réflexions résonnent de manière plus personnelle avec mon histoire et mes questionnements de milieu de vie: Que veut dire “réussir sa vie”? Sommes-nous maîtres et libres de nos choix ou nous sont-ils dictés par notre enfance et l’éducation que nous avons reçue? J’interroge depuis des personnes arrivées en bout de course, dans l’espoir d’y trouver des réponses...