Se réveiller. S’arracher au sommeil. Quitter son univers onirique et entrer dans un monde tangible. Flotter. S’étirer dans un instant de lâcher prise alors que l’esprit ne maîtrise plus et le corps tout entier peut s’exprimer sans retenue. Sortir de la torpeur. Les mains effleurent, frottent, caressent cette enveloppe engourdie de la nuit. Respirer. Le visage se déforme autour d’un bâillement, les membres dans un étirement incontrôlable. Relâchement total… Le temps d’un souffle, une fragilité se dévoile, magnifiée par tant de pudeur. Métamorphose.
Le réveil, passage furtif entre deux états de conscience, est l’un des moments les plus intimes de notre quotidien. Il raconte tellement…: un état psychique, physique, une solitude, notre rapport à la nuit, nos angoisses. Il est celui que l’on vit seul.e ou avec la personne qui partage notre nuit. Celui pendant lequel les visages sont sans aucun artifice. Il est ce moment fugace où, bien qu’éveillés, nous n’avons pas encore enfilé notre personnalité. Là où tout reste à venir.
C’est exactement cet instant là que je cherche à saisir. Pendant quelques minutes, je m’introduis dans leur bulle pour observer cette mue. Les yeux restent fermés pour couper tout lien. Dans un silence empreint de la nuit se joue devant moi un spectacle sensuel, dont les acteurs à moitié dénudés livrent leurs fragilités dans la plus grande douceur. Pour autant, ce moment n’est pas simple: bien que l’acte de photographier soit consenti, il est autant intrusif pour la personne photographiée qu’il me met mal à l’aise.
Car ce sont des inconnus qui m’accueillent chez eux. Le temps d’une soirée, je pose ma valise pour partager un repas, écouter un récit de vie, découvrir une personne comme on découvre un pays. Chaque soir recèle un univers singulier qui me fait entrer progressivement dans l’intimité de mon hôte. La photo au réveil est l’aboutissement de cette relation éphémère. Je vis un voyage humain en pyjama. Métamorphées ou l’éloge de l’aube est un projet photographique qui interroge l’image de soi autant que le rapport à l’intimité. C’est mon obsession du sincère qui me pousse à réaliser ce travail. Alors que nous n’avons cesse de chercher à enfouir nos failles, à être ce que nous ne sommes pas, à renvoyer une image impeccable à chaque instant, j’ai l’impression, en vivant cette expérience pendant laquelle tout s’échappe, de toucher chacun.e au plus profond, à ce qu’il ou elle a de plus vrai. Et c’est magnifique.
Printemps 2021 - Exposition dans l'espace public : collage d'affiches et panneaux publicitaires de la ville de Rennes Printemps 2022 - 2è édition en partenariat avec le centre social des Champs Manceaux - Exposition sur la façade du bâtiment jusqu'en septembre 2022