Prendre le temps de rencontrer, d’écouter. Arpenter pendant des heures ce territoire jusque là inconnu, fouler sa terre charbonneuse et me familiariser avec ce paysage désolé. M’imprégner, comprendre, pour raconter au plus juste.
Comment traverse-t-on un incendie? Comment vit-on l’angoisse de tout perdre? La peur du danger? Quel impact et quelles traces tout cela laisse-t-il?
En écoutant les récits sensibles des habitants-es, je découvre d’abord l’expérience physique et sensorielle. L’odeur, la chaleur, le bruit. Les flammes qui hypnotisent. Certains se tétanisent quand d’autres se mettent en action. Certains protègent quand d’autres se protègent. On ne choisit pas. Le feu nous ramène à notre animalité avec notre instinct pour seul guide.
Et puis il y a le vécu collectif. La nécessité d’être ensemble, de n’oublier personne dans le départ précipité, d’aider et prendre soin de l’autre. La mobilisation des paysans et des agriculteurs aux côtés des pompiers, ou l’inverse. La solidarité des habitantes et habitants, restés sur place pour s’assurer que ceux partis lutter contre les flammes ne manquent de rien.
Afin de retranscrire ce traumatisme collectif, il me fallait raconter le feu à travers la relation si particulière que les habitants-es entretiennent avec le lieu. Cette appartenance aux Monts d’Arrée, je l’ai sentie chez tout le monde à différents endroits. Ce lien, c’est se sentir protégé.e par la montagne autant qu’on veut la protéger. Ce lien, c’est prendre soin de la terre qui nous nourrit, c’est faire partie du vivant. C’est se dire aussi que sans les autres on n’est rien. C’est la profonde nécessité de « Faire Corps ».